Extraits de notes prises en 1984 sur l’ouvrage d’Alain Croix « La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles » Merci de bien vouloir excuser certains changements de formulation qui respectent je l’espère la pensée de l’auteur.
Chapitre III Les Hommes : étude démographique
La Bretagne du XVIe siècle et des deux premiers tiers du XVIIe siècle connaît une expansion démographique presque ininterrompue.
L’explication profonde de la résistance de la Bretagne aux dépressions profondes qui frappent l’Europe, aux difficultés du XVIIe aussi est dans la variété de ses ressources :
A l’échelle des pays, ouverts à l’agriculture, à l’industrie et aux échanges, et au niveau de chaque famille.
Pourquoi alors à la fin du XVIIe siècle, cette économie supposée parfaitement équilibrée, cette croissance démographique qu’elle soutient, connaissent-elles des difficultés telles qu’un retournement de conjoncture se dessine, annonçant le déclin presque général du XVIIIe siècle.
En fait, la Bretagne de la fin du XVIe siècle avait été relativement épargnée par les contrecoups des troubles, des guerres qui affectent alors une bonne part de l’Europe occidentale.
Un siècle plus tard, elle en subit au contraire les effets directs ou indirects.
Depuis longtemps la prospérité bretonne repose en partie sur les relations avec l’extérieur : la neutralité savamment sauvegardée par les ducs explique ainsi en partie le rapide essor maritime du temps de Jean V.
La Bretagne a gardé ensuite et même développé de nombreuses activités tournées vers l’exportation en jouant sur une gamme très ouverte de clients (Espagne, Portugal, Angleterre, Hollande).
Un bouleversement intervient à partir du milieu du XVIIe siècle.
A cette époque, la monarchie française prend réellement le contrôle de l’administration bretonne.
Or cette monarchie est un pouvoir belliqueux, qui utilise en plus l’économie comme arme de guerre avec la multiplication des interdictions de commercer sur tous les produits.
Ces mesures protectionnistes prises à l’encontre des produits manufacturés étrangers amènent des mesures de rétorsions dont sont victimes en premier chef les textiles bretons.
La prise du pouvoir par Louis XIV est donc une réalité profonde en Bretagne.
De plus l’augmentation des dépenses de la monarchie exige un accroissement du poids de l’impôt, dont la Bretagne, très favorisée jusque-là, subit, cette fois aussi, les effets.
Or le système fiscal breton, comme les autres, quoiqu’avec des modalités propres, fait peser le poids de l’impôt pratiquement sur les seuls roturiers ruraux, et dans une moindre mesure sur ceux des villes.
Le prélèvement seigneurial s’accroît dans le courant du XVIIe siècle.
La grande révolte antiseigneuriale des Bonnets rouges, en 1675, revêt donc une importance extrême : c’est un signe et son écrasement un symbole.
La démographie subit ici les conséquences de transformations économiques et sociales, en même temps que la province subit les conséquences des décisions politiques et économiques du pouvoir Louis quatorzien.